1761

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En quelque étude que ce puisse être, sans l’idée des choses représentées les signes réprésentans ne sont rien. On borne pourtant toujours l’enfant à ces signes sans jamais pouvoir lui faire comprendre aucune des choses qu’ils réprésentent. En pensant lui apprendre la description de la terre on ne lui apprend qu’à connoitre des cartes : on lui apprend des noms de villes, de pays, de riviéres qu’il ne conçoit pas exister ailleurs que sur le papier où l’on les lui montre. Je me souviens d’avoir vû quelque part une géographie qui commençoit ainsi : Qu’est-ce que le monde ? C’est un globe de carton. Telle est précisément la géographie des enfans.

Montmorency, 1761 — Montmorency, 9 juin 1998. Émile, livre II

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Comment une multitude aveugle, qui souvent ne sait ce qu’elle veut, parce qu’elle sait rarement ce qui lui est bon, exécuteroit-elle d’elle-même une entreprise aussi grande, aussi difficile qu’un sistême de législation? De lui-même le peuple veut toujours le bien, mais de lui-même il ne le voit pas toujours. La volonté générale est toujours droite, mais le jugement qui la guide n’est pas toujours éclairé. Il faut lui faire voir les objets tels qu’ils sont, quelquefois tels qu’ils doivent lui paroitre, lui montrer le bon chemin qu’elle cherche, la garantir de la séduction des volontés particulieres, rapprocher à ses yeux les lieux et les tems, balancer l’attrait des avantages présens et sensibles, par le danger des maux éloignés et cachés. Les particuliers voyent le bien qu’ils rejettent : le public veut le bien qu’il ne voit pas. Tous ont également besoin de guides : Il faut obliger les uns à conformer leurs volontés à leur raison; il faut apprendre à l’autre à connoitre ce qu’il veut.

Montmorency, 1761 — Genève, 14 mars 1998. Du Contrat social, Livre II, Chapitre VI

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Ce qui me rendit les femmes si favorables fut la persuasion où elles furent que j’avois écrit ma propre histoire et que j’étois moi-même le Heros de ce roman. Cette croyance étoit si bien établie que Made de Polignac écrivit à Made de Verdelin pour la prier de m’engager à lui laisser voir le portrait de Julie. Tout le monde étoit persuadé qu’on ne pouvoit exprimer si vivement des sentimens qu’on n’auroit point éprouvés, ni peindre ainsi les transports de l’amour que d’apprès son propre cœur. En cela l’on avoit raison et il est certain que j’écrivis ce roman dans les plus brulantes extases ; mais on se trompoit en pensant qu’il avoit fallu des objets réels pour les produire ; on étoit loin de concevoir à quel point je puis m’enflammer pour des êtres imaginaires.

Montmorency, 1761 — Londres, 23 juillet 1997. Les Confessions, Livre onzième

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Les langues sont faites pour être parlées, l’écriture ne sert que de supplément à la parole; s’il y a quelques langues qui ne soient qu’écrites et qu’on ne puisse parler, propres seulement aux sciences, elles ne sont d’aucun usage dans la vie civile. Telle est l’algébre, telle eut été sans doute la langue universelle que cherchoit Leibnitz. Elle eut probablement été plus comode à un Métaphysicien qu’à un Artisan. Le plus grand usage d’une langue étant donc dans la parole, le plus grand soin des Grammairiens devroit être d’en bien déterminer les modifications, mais au contraire ils ne s’occupent presque uniquement que de l’écriture. Plus l’art d’écrire se perfectionne plus celui de parler est négligé.

Montmorency, 1761 — Paris, mars 2000. Fragment sur la Prononciation

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