Entretiens

« Que celle qui traçoit avec tant de plaisir l’ombre de son amant lui disoit de choses ! Quels sons eut-elle employés pour rendre ce mouvement de baguéte ? » (Essai sur l’origine des langues, O.C., t. V, p. 376.)

« On y perçoit, une fois de plus, son désir de combattre le monde où il est obligé de vivre, c’est-à-dire le monde de la médiation et des opérations médiates, pour lui opposer un monde possible où les relations humaines s’établiraient par des moyens moins nombreux, plus directs, plus sûrs. » (Jean Starobinski, La Transparence et l’Obstacle, p. 176.)

Les « entretiens » de l’abbé Gaime avec le jeune Rousseau (Confessions, p. 92) sont une lecture à deux voix du message de la réalité visible, écho du mythe de l’invention du dessin et de son rapport à la mélodie. L’art de la conversation, Rousseau l’a pratiqué aussi au travers des livres, « entretiens » (Confessions, p. 9) avec son père, Conzié (Confessions, p. 213) et Altuna (Confessions, p. 329).

Notes associées : Signes.

1728, juillet. L’abbé Gaime


On étoit en été; nous nous levames à la pointe du jour. Il me mena hors de la ville, sur une haute colline au dessous de laquelle passoit le Pô, dont on voyoit le cours à travers les fertiles rives qu’il baigne. Dans l’éloignement, l’immense chaîne des Alpes couronoit le paysage. Les rayons du soleil levant rasoient déja les plaines, et projettant sur les champs par longues ombres les arbres, les côteaux, les maisons, enrichis soient de mille accidens de lumiére le plus beau tableau dont l’œil humain puisse être frapé. On eut dit que la nature étaloit à nos yeux toute sa magnificence pour en offrir le texte à nos entretiens. Ce fut-là, qu’après avoir quelque tems contemplé ces objets en silence, l’homme de paix me parla ainsi.

Turin, juillet 1728 — Turin, Monte dei Cappuccini, 9 juillet 1998. Émile, Livre IV