Signes

« En apprenant les choses n’apprendront-ils les signes ? Pourquoi leur donner la peine inutile de les apprendre deux fois ? » (Émile, livre II, O.C., t. IV, p. 350)

« Voilà ce que Rousseau souhaite : que le signe soit seulement senti et n’ait pas à être lu (sinon rien ne le distinguerait de la langue conventionnelle qui requiert la fatigue d’une lecture). […] L’évidence du signe est alors si grande, qu’elle rend toute interprétation inutile. » (Jean Starobinski, La Transparence et l’obstacle, p. 187.)

À côté des fictions éducatives de l’Émile pour qui « toujours la leçon lui venoit de la chose même », Rousseau s’emploie à interpréter les signes puis à collectionner les plantes « mémoratives » : le « petit signe du doigt » de Mme Basile (Confessions, p. 77), les pierres lancées contre le tronc d’un arbre (Confessions, p. 243), ?le « téton borgne » de Zulietta (Confessions, p. 322), « la Picris hieracioides » (Rêveries, p. 1003), « la Flora petrinsularis » (Confessions, p. 642, Rêveries, p. 1043).

Notes : Entretiens, Objets, Supplément.

1761. Avenue Emile


En quelque étude que ce puisse être, sans l’idée des choses représentées les signes réprésentans ne sont rien. On borne pourtant toujours l’enfant à ces signes sans jamais pouvoir lui faire comprendre aucune des choses qu’ils réprésentent. En pensant lui apprendre la description de la terre on ne lui apprend qu’à connoitre des cartes : on lui apprend des noms de villes, de pays, de riviéres qu’il ne conçoit pas exister ailleurs que sur le papier où l’on les lui montre. Je me souviens d’avoir vû quelque part une géographie qui commençoit ainsi : Qu’est-ce que le monde ? C’est un globe de carton. Telle est précisément la géographie des enfans.

Montmorency, 1761 — Montmorency, 9 juin 1998. Émile, livre II