Ce qui me rendit les femmes si favorables fut la persuasion où elles furent que j’avois écrit ma propre histoire et que j’étois moi-même le Heros de ce roman. Cette croyance étoit si bien établie que Made de Polignac écrivit à Made de Verdelin pour la prier de m’engager à lui laisser voir le portrait de Julie. Tout le monde étoit persuadé qu’on ne pouvoit exprimer si vivement des sentimens qu’on n’auroit point éprouvés, ni peindre ainsi les transports de l’amour que d’apprès son propre cœur. En cela l’on avoit raison et il est certain que j’écrivis ce roman dans les plus brulantes extases ; mais on se trompoit en pensant qu’il avoit fallu des objets réels pour les produire ; on étoit loin de concevoir à quel point je puis m’enflammer pour des êtres imaginaires.

Montmorency, 1761 — Londres, 23 juillet 1997. Les Confessions, Livre onzième

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