1728, juin. Madame Basile


C’est peut-être pour cela même que l’image de cette aimable femme est restée empreinte au fond de mon cœur en trais si charmans. Elle s’y est même embellie à mesure que j’ai mieux connu le monde et les femmes. Pour peu qu’elle eut eu d’expérience, elle s’y fut prise autrement pour animer un petit garçon : mais si son cœur étoit foible il étoit honnête ; elle cédoit involontairement au penchant qui l’entraînoit ; c’étoit selon toute apparence sa prémiére infidélité, et j’aurois peutêtre eu plus à faire à vaincre sa honte que la mienne. Sans en être venu là j’ai goûté près d’elle des douceurs inexprimables. Rien de tout ce qui m’a fait sentir la possession des femmes ne vaut les deux minutes que j’ai passées à ses pieds sans même oser toucher à sa robe.

Turin, juin 1728 — Paris, rue de Rivoli, 11 juin 1998. Les Confessions, p. 76.

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