Voir également l’exposition « Les Jours de Jean-Jacques Rousseau »
Les liens vers les Moments se trouvent à la fin de chaque année ou groupe d’années.
1712-1716
Le 28 juin naît Jean-Jacques Rousseau, fils d’lsaac Rousseau (1677-1738), horloger, citoyen de Genève, et de Suzanne Bernard (1673-1712), citoyenne, Grand’Rue au n° 40, « dans la ville haute ». Le 4 juillet, Jean-Jacques est baptisé au temple de Saint-Pierre. Son frère aîné François était né en 1705.
Le 7 juillet sa mère meurt. Dès lors, Jean-Jacques sera élevé jusqu’à l’âge de 10 ans par sa tante, Suzanne Rousseau qui a 30 ans en 1712. Il a une enfance heureuse : « Comment serois-je devenu méchant, quand je n’avois sous les yeux que des exemples de douceur, et autour de moi que les meilleures gens du monde ? » (Confessions, p. 10.)
1717
Isaac Rousseau vend la maison de la Grand-rue. Il ira habiter avec sa sœur et ses deux fils rue de Coutance dans le faubourg Saint-Gervais : après avoir été un « garçon du haut », Jean-Jacques n’est plus « qu’un enfant de Saint-Gervais ».
La tante Suzon, Genève, 1717 – Paris, 30 juin 1999, Confessions, p. 11.
Rue Rousseau à Genève, Genève, 1717 — 9 juillet 1999, Confessions, p. 7.
1718
François, le frère de Jean-Jacques, âgé de 13 ans, est mis dans une maison de correction de Genève sur requête de son oncle Gabriel Bernard. Il en sort au bout d’un mois « ayant promis qu’il se conduira mieux à l’avenir que par le passé. » (Archives de Genève, Registre de l’Hôpital, 6 juillet 1718.) Il commence ensuite un apprentissage d’horloger, mais au terme de son contrat il n’est pas reçu horloger. Puis il prend la fuite et disparaît. Rousseau dit de lui : « Je ne le voyois presque point : à peine puis-je dire avoir fait connoissance avec lui : mais je ne laissois point de l’aimer tendrement, et il m’aimoit, autant qu’un poliçon peut aimer quelque chose. » (Confessions, p. 9).
1719
Jean-Jacques et son père lisent les romans de la bibliothèque de sa mère, puis les ouvrages de la bibliothèque de son oncle pasteur Samuel Bernard : Bossuet, Plutarque, Ovide, Fontenelle et Molière.
Dans la dédicace du Discours sur l’inégalité, Rousseau fait l’éloge de son père : « Je le vois encore vivant du travail de ses mains, et nourrissant son ame des Verités les plus sublimes. Je vois Tacite, Plutarque et Grotius, mêlés devant lui avec les instruments de son métier. » (O.C., t. III, p. 118.)
Rousseau dit de lui-même à cette époque de sa vie : « Sans cesse occupé de Rome et d’Athénes; vivant pour ainsi dire, avec leurs grands hommes, né moi-même Citoyen d’une République, et fils d’un pere dont l’amour de la patrie étoit la plus forte passion, je m’en enflamois à son exemple; je me croyois Grec ou Romain. » (Confessions, p. 9.)
1720-1721
La place de Saint-Gervais, proche de la rue de Coutance, devient pour Rousseau le lieu d’un souvenir transfiguré en mythe. Les hommes de ce quartier, Citoyens de la République de Genève, appartenant à l’un quatre régiments de la ville, étaient astreints à une journée d’exercice annuel, en juin, dans les terrains vagues du faubourg de Plain Palais. (Lettre à d’Alembert sur les spectacles, O.C., t. V, p. 123, n. 2.) Jean-Jacques assiste avec son père à ces exercices (en juin 1720, 1721 ou 1722) puis à la fête qui rassemble officiers, soldats et familles du quartier autour de la fontaine de la place de Saint-Gervais.
Magasin Placette, Genève, juin 1720, 1721 ou 1722 — Genève, 21 août 1997, note : La fête.
1722-1723
Le père de Jean-Jacques a une querelle avec le capitaine Gautier. Poursuivi en justice, il s’enfuit à Nyon avec sa sœur Suzon. Jean-Jacques reste sous la tutelle de son oncle Gabriel Bernard, adjoint à la direction des travaux des fortifications de Genève, et dont le fils Abraham est de six mois son ainé.
Fin octobre 1722, les deux enfants sont envoyés en pension à Bossey, près de Genève, chez le pasteur Lambercier, « pour y apprendre, avec le latin, tout le menu fatras dont on l’accompagne sous le nom d’éducation ». (Confessions, p. 12.) Jean-Jacques se révèle à lui-même : accusé injustement d’avoir cassé un peigne, il persiste à clamer son innocence; avec son cousin, « petits architectes », ils seront fiers de voir le pasteur détruire leur « aqueduc »; le pasteur apprendra à Jean-Jacques à tromper sa peur nocturne par un exercice éducatif dont on trouve le récit dans l’Émile (O.C. t. IV. pp. 385-386); Jean- Jacques reçoit une fessée de la main de la sœur du pasteur : « Qui croiroit que ce châtiment d’enfant […] a décidé de mes gouts, de mes desirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie. » (Confessions, p. 15.)
Le chemin creux, Genève, Petit Saconnex, 1722 — Genève, Petit Saconnex, 12 avril 1998, Confessions, p. 16.
Le pasteur Lambercier et sa sœur, Bossey, 1722 — Bossey, 22 août 1997, Confessions, p. 15.
Un aqueduc, Bossey, 1722 — Rolle, 13 août 1997, Confessions, p. 23.
Chemin J.-J. Rousseau, Bossey, 1722 — Bossey, 21 août 1997, Confessions, p. 20.
1724
En octobre, de retour à Genève, Jean- Jacques vit avec son cousin chez son oncle, Gabriel Bernard, au n° 13, Grand’rue.
Ils sont livrés à eux-mêmes : « Nous gâtions les outils de mon bon vieux grand pere, pour faire des montres à son imitation ». (Confessions, p. 25.) « David Rousseau, père d’Isaac, était maître horloger; il remplit pendant vingt ans les fonctions de dizenier (sorte de juge de paix) dans le quartier de Saint-Gervais, fonctions dont il fut privé en 1707, pour avoir pris le parti de l’opposition lors de troubles politiques (Confessions, p. 25, n. 4).
La petite Goton et Mademoiselle de Vulson, Nyon, automne 1724 — Nyon, 23 août 1997, Confessions, p. 27.
1725
Rousseau est mis en apprentissage (en 1724 ou 1725) chez M. Masseron, greffier de la ville : « Enfin je fus renvoyé du greffe ignominieusement pour mon ineptie. » (Confessions, p. 30.)
Le 26 avril est la date de l’acte de son entrée en apprentissage chez Abel Ducommun, maître-graveur, « jeune homme rustre et violent », pour une durée de cinq ans. Rousseau loge chez son patron, rue des Étuves.
1726
Jean-Jacques se fait le complice d’un vol d’asperges : « durant mon apprentissage, je passai de la sublimité de l’héroïsme à la bassesse d’un vaurien ». (Confessions, p. 39.) Il vole aussi des pommes dans la maison de son patron, « bagatelles » qu’il aime mieux « prendre que demander ».
Son père se remarie. En décembre, Rousseau habite chez Ducommun, rue de la Poissonnerie.
Les asperges, Genève, 1725 — Genève, place du Molard, 12 avril 1998, Confessions, p. 33.
1727
Jean-Jacques apprenti, reprend goût pour la lecture. Il loue les livres, bons ou mauvais, à la fille Tribu : « Ces lectures, prises sur mon travail devinrent un nouveau crime, qui m’attira de nouveaux châtimens. Ce gout irrité par la contrainte devint passion, bientôt fureur. » (Confessions, p. 39.) Deux extraits des Registres du Consistoire de Genève de février 1727 relatifs à la fille Tribu, l’accusent d’attirer chez elle des jeunes gens pendant les catéchismes et les sermons pour leur vendre des livres. (Confessions, p. 39, n. 1.)
1728
Le dimanche 14 mars, au retour d’une promenade hors des remparts de Genève, Rousseau trouve les portes de la ville fermées. Le lendemain, il reste hors de la ville, prévient son cousin et décide de quitter Genève. Il loge chez des paysans, va jusqu’à Confignon, en Savoie, où il est reçu par le curé, M. de Pontverre. Le 21 mars, il arrive à Annecy. Le 21 mars, il arrive à Annecy et se rend, avec la lettre de recommandation du curé, chez Mme de Warens. Elle l’envoie se convertir au catholicisme à Turin : le 24 mars, il part à pied d’Annecy avec le couple Sabran. Le 25, son père le recherche jusque chez Madame de Warens, mais renonce à le suivre. Le 21 avril, à Turin, il abjure le protestantisme. Le 23, il est baptisé catholique. Il quitte l’Hospice des catéchumènes et erre dans la ville. Il fait la connaissance de Mme Basile, jeune commerçante qui l’emploie. En juillet, il entre au service de Madame de Vercellis. Il est renvoyé ainsi que Marion la jeune cuisinière, pour le vol du « petit ruban couleur de rose et argent ». Rousseau se lie avec le jeune abbé Gaime, précepteur de jeunes nobles qui sera le modèle du Vicaire Savoyard de l’Émile.
Le cousin Bernard, Confignon, 15 mars 1728 — Confignon, 15 mars 1998, Confessions, p. 42.
L’arbre en fleurs, Confignon, 15 mars 1728 — Confignon, 15 mars 1998, Confessions, p. 45.
Madame Basile, Turin, juin 1728 — Paris, rue de Rivoli, 11 juin 1998, Confessions, p. 76.
Marion, Turin, 1728 — Haute Maurienne, 6 juillet 1998, Confessions, p. 86.
L’abbé Gaime, Turin, juillet 1728 — Turin, Monte dei Cappuccini, 9 juillet 1998, note : Les entretiens.
1729
Rousseau entre au service du comte de Gouvon. Il « sert à table ». Au cours d’un dîner, il retient l’attention des convives et de Mlle de Breil par la qualité de sa réponse à une question d’étymologie que lui pose le comte. Il devient le secrétaire du fils du comte, l’abbé de Gouvon, qui lui apprend le latin et l’italien.
En septembre, il abandonne « sans regret [son] protecteur, [son] precepteur, [ses] études, [ses] espérances et l’attente d’une fortune presque assurée, pour commencer la vie d’un vrai vagabond ». (Confessions, p. 101.) Avec son ami Bâcle, ils partent de Turin à pied. Pour gagner de l’argent, ils exhibent une fontaine de Héron. Ils passent par le Mont-Cenis et Chambéry.
Rousseau retrouve Madame de Warens à Annecy. Elle habite avec Claude Anet qui a fini son apprentissage de menuisier, Anne-Marie Merceret, dont le père est organiste à la collégiale, et une cuisinière servante. Rousseau entre au séminaire des Lazaristes d’Annecy et étudie avec l’abbé Jean-Baptiste Gâtier. Fin octobre, il revient vivre chez Mme de Warens. Il entre à la maîtrise de la cathédrale grâce au jeune maître de musique Jacques-Louis-Nicolas Le Maître qui « avoit les gouts de son art; il aimoit le vin… c’étoit un garçon essentiellemen bon, et si gai que Maman ne l’appeloit que petit chat ». Rousseau joue de la flûte à bec.
Mademoiselle de Breil, Turin, février 1729 — Turin, 9 juillet 1998, Confessions, p. 95.
Bâcle, Mont-Cenis, été 1729 — Mont-Cenis, 6 juillet 1998, Confessions, p. 99.
1730
Rousseau s’entiche de Venture de Villeneuve, jeune musicien errant. En avril, il accompagne Le Maître à Lyon et l’abandonne dans la rue en pleine crise d’épilepsie. Á son retour, il ne trouve plus Mme de Warens; après l’abdication du Roi Sardaigne, elle est partie chercher un soutien à la Cour de France. Il loge chez un cordonnier avec Venture. Le 1er juillet, tôt le matin, il sort d’Annecy pour une promenade et rencontre deux jeunes filles de sa connaissance, Mademoiselle de Graffenried et Mademoiselle Galley. Tous trois vont déjeuner à Thônes. Le 7 juillet, Jean-Jacques accompagne Mlle Merceret à Fribourg. De juillet à octobre, à Lausanne, il vit de ses leçons de chant et monte un concert sous le pseudonyme de Vaussore de Villeneuve. Pendant l’été, il passe deux ou trois jours à Vevey dont est originaire Mme de Warens.
Madame de Warens, Annecy, printemps 1730 — Région d’Annecy, 3 mai 1998, Confessions, p. 105.
Monsieur Le Maître, Lyon, avril 1730 — Lyon, 1er mai 1998 ], Confessions p. 129.
Le gué, Région d’Annecy, 1er juillet 1730 — Région d’Annecy, 7 juin 1998, Confessions, p. 136.
L’Idylle de Thônes, Thônes, 1er juillet 1730 — Région d’Annecy, 7 juin 1998, Confessions, p. 138.
Les larmes, Vevey, juillet 1730 — Rolle, Lac Léman, 12 août 1997, Confessions, p. 152.
Maisons, Vallée de La Sagne, hiver 1730 — Vallée de La Brévine, 17 août 1997, note : Les maisons.
1731
Rousseau accompagne à Fribourg puis à Berne un faux archimandrite qui quête pour le rétablissement du Saint-Sépulcre. L’ambassadeur de France à Berne le fait expulser alors qu’il retient Rousseau qui se dit français. En juin, Rousseau part pour Paris avec des lettres de recommandation. Il va à l’Opéra, visite Versailles, entre au service du neveu du colonel Gaudard. Madame de Merveilleux lui dit que Madame de Warens a quitté Paris. En août, il quitte la ville à pied pour la rejoindre à Chambéry. Près de Lyon, il loge une nuit chez un paysan qui cache son pain à cause de la taille : « Ce fut là le germe de cette haine inextinguible qui se développa depuis dans mon cœur contre les vexations qu’éprouve le malheureux peuple et contre ses oppresseurs. » (Confessions, p. 164.) À Lyon, il voit Mlle du Châtelet, amie de Mme de Warens, et rencontre Suzanne Serre, âgée de 11 ans, au couvent des Chazeaux. Il part de Lyon à pied, passe par les Échelles et la cascade de Couz. À Chambéry, il habite chez Mme de Warens avec Claude Anet, son intendant et amant. Rousseau travaille au cadastre.
Il y est passé, de Paris à Lyon, septembre 1731 — Saint-Cergue, 6 septembre 1998, Confessions, p. 162.
Quai Jean-Jacques Rousseau à Lyon, Lyon, septembre 1731 — Lyon, 21 septembre 1997, Confessions, p. 169.
Le gouffre, Chailles, septembre 1731 — Gorges du Fier, 18 juillet 1999, Confessions, p. 173.
La cascade de Couz, septembre 1731 — Cascade de Couz, 12 juillet 1999, Confessions, p. 173.
Maison du Comte de Saint Laurent, Chambéry, septembre 1731 — Chambéry, 12 juillet 1999, Confessions, p. 176.
1732
Jean-Jacques quitte le cadastre en juin. Il tente de lire le Traité de l’harmonie réduit à ses principes naturels de Rameau. Avec l’abbé Palais, il organise de « petits concerts » : « Maman chantoit, le Pere Caton […] chantoit aussi; un maitre à danser appellé Roche et son fils jouaient du violon; […] l’Abbé Palais accompagnait du clavecin : j’avois l’honneur de conduire la musique, sans oublier le bâton de bucheron. » (Confessions, p. 185.)
Il enseigne aussi la musique à d’« aimables demoiselles bien parées » : Marie-Anne de Mellarède, Françoise-Sophie de Menthon, Gasparde-Balthazar de Challes et sa nièce Françoise-Catherine de Charlier-de-Challes, Péronne Lard.
Il rédige une première version d’une comédie, Narcisse ou l’Amant de lui-même. (O.C., t. II, pp. 957-1018.)
1733
Rousseau devient l’amant de Mme de Warens (ou peut-être depuis 1732). Elle loue une petite maison de campagne et un jardin dans un faubourg de Chambéry.
Avec Mme de Warens, Rousseau fait la connaissance de François-Joseph de Conzié. Âgé de 26 ans, il est comte des Charmettes et baron d’Arenthon. Installé dans l’hiver 1733-1734 au domaine des Charmettes, il y rassemble une importante bibliothèque qu’il ouvre à Jean-Jacques.
Monsieur de Conzié, Chambéry, 1733 — Paris, 1er juillet 1999 ], Confessions, p. 213.
1734
Les Lettres philosophiques de Voltaire est l’ouvrage qui attire le plus Rousseau « vers l’étude, et ce gout naissant ne s’éteignit plus depuis ce tems-là ». (Confessions, p. 214.) Claude Anet travaillait à un projet de jardin botanique avec le médecin François Grossi. Il meurt brutalement. Il est enterré le 13 mars. Son suicide par empoisonnement se lit en filigrane dans le récit de sa mort par Rousseau. Mme de Warens a des difficultés financières.
Claude Anet, Chambéry, 13 mars 1734 — Paris, 16 juin 1998, Confessions, p. 205.
La « chronologie de La Nouvelle Héloïse », (O.C., t. II, pp. 1254-1255) établit des coïncidences de dates et d’événements entre l’existence de Rousseau et celle de son héros, Saint-Preux : En 1732, Saint-Preux a 19 ans, il devient le précepteur de Julie d’Étanges, 17 ans, dans la propriété familiale à Clarens, près de Montreux, au bord du lac Léman. Ils sont amants. À l’automne 1734, Saint-Preux voyage dans le Valais. À la fin de l’automne et au cours de l’hiver 1734, depuis Meillerie, Saint-Preux observe à la lunette, Clarens, de l’autre côté du lac Léman.
Le premier baiser de l’amour, Clarens, été 1734 — Genève, 12 avril 1998, note : L’estampe.
Le télescope, Meillerie, hiver 1734 — Meillerie, 15 mars 1998, note : L’optique.
1735
En juin, Rousseau fait un voyage qui le conduit probablement de Genève à Nyon et à Besançon. Il rédige deux fragments : Sur les femmes (O.C., t. II, pp. 1254-1255) et Un ménage de la rue Saint-Denis : « Un exemple tiré de la lie du peuple n’en est pas moins concluant, les hommes se manifestent par tout, plus ils sont d’un bas étage, et moins la nature est deguisée ». (O.C., t. II, p. 1256).
Á la fin de l’année, il écrit à son père : « Voions donc à présent ce qu’il conviendroit de faire dans la situation où je me trouve. En prémier lieu, je puis pratiquer la musique que je sais assés passablement pour cela : secondement un peu de talent que j’ai pour l’écriture (je parle du stile) pourroit m’aider à trouver un emploi de secretaire chez quelque grand Seigneur; enfin, je pourrois dans quelques années et avec un peu plus d’expérience servir de Gouverneur à des jeunes gens de qualité […] quand au poste de gouverneur d’un jeune seigneur, je vous avoue naturellement que c’est l’état pour lequel je me sens un peu de prédilection […] D’abord, je me suis fait un sistème d’étude que j’ai divisé en deux chefs principaux : le premier comprend tout ce qui sert à éclairer l’esprit et à l’orner de connoissances utiles et agreables, et l’autre renferme les moiens de former le cœur à la sagesse et à la vertu. » (Correspondance générale, t. I, pp. 30-32). Toutes choses qu’on retrouvera dans l’Émile.
1736
Au printemps, Mme de Warens loue la ferme Revil aux Charmettes.
Un matin, il sent dans tout son corps « une révolution subite et presque inconcevable », un grave bourdonnement d’oreille. Il se soigne, puis reprend sa vie ordinaire : « avec mon battement d’artéres et mes bourdonnemens qui depuis ce tems-là, c’est à dire depuis trente ans, ne m’ont pas quitté une minute. (Confessions, pp. 227-228.)
Musée des Charmettes, Les Charmettes, printemps 1736 — Les Charmettes, 12 juillet 1999, Confessions, p. 225.
La pervenche, Chambéry, Les Charmettes, printemps 1736 – Chambéry, Les Charmettes, 4 juillet 1998, Confessions, p. 226.
1737
Rousseau mène seul un programme d’études. La lecture des Entretiens sur les sciences du père Lamy lui donne le goût des sciences. Il rédige un Cours de géométrie élémentaire, un Cours de géographie. (O.C., t. V, pp. 535-544.) Le 27 juin, il fait une expérience de physique provoquant une explosion qui le laissera aveugle plusieurs semaines. Il fait son testament le jour même de l’accident devant Me Rivoire, mais ne peut signer. « Led Sr Rousseau n’a pu signer acause de l’accident qui lui est arrivé aiant les yeux fermés ainsy qu’il a apparu a moi notaire et temoins par l’apareil mis sur ses yeux ». (Documents, O.C., t. I, p. 1213.)
Le 11 septembre, Rousseau part à Montpellier soigner son « polype au cœur ». À Moirans, il rencontre Mme de Colombier et Mme de Larnage. Il se fait passer pour un jacobite Anglais du nom de Dudding. En route, il devient l’amant de Mme de Larnage. Ils passent par Valence et Montélimar et se quittent à Pont-Saint-Esprit. Le 21 septembre, il visite le Pont du Gard et Nîmes. À Montpellier, il consulte le docteur Fizes. Il suit ses cours d’anatomie, passe ses après-midi avec des étudiants.
Médiathèque Jean-Jacques Rousseau, Chambéry, 1737 — Chambéry, 4 juillet 1998, Confessions, p. 237.
Les pierres lancées, Les Charmettes, 1737 — Rolle, 14 août 1997, Confessions, p. 243.
Le pont du Gard, 21 septembre 1737 — Pont du Gard, 21 septembre 1999, Confessions pp. 255.
Rue J.-J. Rousseau à Montpellier, Montpellier, septembre 1737 — Montpellier, 19 septembre 1999, Rêveries, p. 1068.
1738
En février, au retour de Montpellier, il renonce à passer Bourg Saint-Andéol chez Mme de Larnage. Aux Charmettes, Winzenried a pris sa place auprès de Mme de Warens. Rousseau reste cependant. Le 2 mars, à Chambéry, Mme de Warens renouvelle le bail de la ferme Revil avec pour témoins Wintzenried et Charbonnel. Le grand-père de Rousseau meurt le 17 juillet. Fin août, ayant appris la mort de son oncle Gabriel Bernard, parti un an plus tôt en expédition en Amérique en tant qu’ingénieur, Rousseau demande à acquérir ses manuscrits.
Au cours de l’année, Rousseau écrit Le Verger de Madame la baronne de Warens. (O.C., t. II, pp. 1123-1129), long poème mi-narratif, mi-didactique, publié en 1739, où il nomme les guides de ses études : les philosophes de Platon à Leibniz ou Locke alternent avec les maîtres de l’astronomie, de la physique, des mathématiques et des sciences naturelles. (Introduction, O.C., t. II, p. XCIV.)
Le 20 septembre, il envoie au Mercure de France sa Réponse à un mémoire anonyme intitulé : Si le monde que nous habitons est une sphère etc. ? inséré dans Le Mercure de juillet, p. 1514. (O.C., t. V, p. 545-552.)
1739 – 1740
Rousseau tente de résoudre les problèmes financiers de Madame de Warens. Aux Charmettes, il se sent insensiblement « isolé et seul ». Il aimerait jouer le rôle de Claude Anet face à Winzenried : « Avec plus de douceur et de lumières je n’avois pas le sang froid et la fermeté d’Anet, ni cette force de caractére qui en imposoit, et dont j’aurois eu besoin pour reussir. » (Confessions, p. 265.)
Le 26 avril 1740, Rousseau s’installe à Lyon, rue Saint-Dominique, chez Jean Bonnot de Mably, qui l’a engagé comme précepteur de ses très jeunes fils, François-Paul-Marie (de Saint-Marie) et Jean-Antoine (de Condillac) : « J’avois à peu près les connoissances necessaires pour un Precepteur et j’en croyois avoir le talent. Durant un an que je passai chez M. de Mably j’eus le tems de me desabuser » (Confessions, p. 267.)
En octobre 1740, Rousseau rédige le Mémoire présenté à Mr de Mably sur l’éducation de M. son fils (O.C., t. IV, pp. 1-32) et le Projet pour l’éducation de Monsieur de Sainte-Marie. (O.C., t. IV, 33-51.)
1741
En avril, Rousseau cesse son activité de précepteur. En mai, il retourne aux Charmettes auprès de Mme de Warens : « A peine eus-je resté une demi-heure avec elle que je sentis mon ancien bonheur mort pour toujours. […] L’aspect des objets témoins de mon bonheur passé me rendoit la comparaison plus cruelle. J’aurois moins souffert dans une autre habitation. Mais me voir rappeller incessamment tant de doux souvenirs c’étoit irriter le sentiment de mes pertes. […] Mon cher Cabinet étoit ma seule distraction » (Confessions, pp. 270-271.)
Dans cette période, il compose une tragédie, La Découverte du nouveau monde (O.C., t. II, pp. 811-841).
Á partir de juillet, Rousseau séjourne à Lyon, peut-être jusqu’en décembre. Il fait la connaissance de l’abbé Gabriel Bonnot de Mably. Il est présenté au duc de Richelieu.
1742
Rousseau est aux Charmettes. Il travaille à un projet de notation musicale. En juillet, il passe quelques jours à Lyon. Il revoit les Mably, le musicien David, Parisot, chirurgien-major de l’Hotel-Dieu, M. Bordes, écrivain anti-religieux, et Suzanne Serre, qui lui annonce son mariage. Il fait la connaissance de l’abbé Etienne Bonnot de Condillac, frère de Monsieur de Mably.
En juillet ou en automne, il part pour Paris avec des lettres de recommandation. Son voyage est payé par Perrichon, prévôt des marchands (maire) de Lyon. Rousseau s’installe rue des Cordiers, près de la Sorbonne, à l’hôtel Saint Quentin « vilaine rue, vilain hôtel, vilaine chambre » (Confessions, p. 282). Grâce aux recommandations de l’abbé de Mably, il fait la connaissance de Daniel Roguin et du Père Castel. Il rencontre l’académicien de Boze qui le présente à Réaumur. Il fait la connaissance de Fontenelle, de Marivaux.
Le 22 août, introduit par Réaumur, il donne lecture à l’Académie des Sciences de son Projet concernant de nouveaux signes pour la musique (O.C., t.V, pp. 129-147.)
Mademoiselle Serre et Monsieur Genève, Lyon, juillet 1742 — Genève, 3 mai 1998, Confessions, p. 282.
1743
La Dissertation sur la musique moderne (O.C., t.V, pp. 167-245) est publiée. En mars, Rousseau est introduit dans le salon de Mme Dupin; il y rencontre Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre, Buffon, Voltaire. À partir du 11 mars, il suit les cours de chimie de Hilaire Rouelle avec Louis Dupin de Francueil, beau-fils de Mme Dupin. Il adresse à celle-ci une déclaration. Il doit lui présenter ses excuses et lui envoie son le Projet pour l’éducation de Monsieur de Sainte-Marie. Dans la première quinzaine de mai, il est précepteur intérimaire de son fils Jacques-Armand de Chenonceaux, âgé de 13 ans. En juin, il se met à la composition de l’opéra Les Muses galantes. (O.C., t.II, pp. 1049-1077.)
Proposé par l’abbé Alary comme secrétaire de l’ambassadeur de France à Venise, Rousseau quitte Paris le 10 juillet. Il embarque à Marseille. Il est retenu à Gênes à cause d’une épidémie de peste. Il arrive à Venise le 4 septembre. Il est secrétaire de l’ambassadeur et loge à l’ambassade, palais Quirini. Il rédige, traduit et chiffre les dépêches diplomatiques. Il se considère « à la tête » de la légation. Il fréquente les spectacles, les concerts et et réclame une gondole personnelle.
Madame Dupin et son fils, Paris, mai 1743 — Paris, 29 mai 1999, Confessions, p. 292.
Consulat de France, Venise, septembre 1743 — Venise, 5 juillet 1997, Confessions p. 297.
Un ciel de Venise, Venise, 6 juillet 1997, Confessions, p. 314.
1744
En juillet, il rencontre Zulietta, une courtisane. Á la fin du mois, il est congédié par l’ambassadeur. Le 22 août, il quitte Venise. Il passe par Genève, voit son père à Nyon. Sur le lac, il aperçoit Mme Christin (Mlle de Vulson). Il est de retour à Paris en octobre 1744. Il s’installe rue Saint-Honoré chez son ami Don Manuel-Ignacio Altuna rencontré à Venise.
Le débarcadère, Venise, juillet 1744 — Venise, 7 juillet 1997, Confessions, p. 320.
Zulietta, Venise, juillet 1744 — Venise, 5 juillet 1997, Confessions, p. 322.
Selon la « chronologie de La Nouvelle Héloïse » (O.C., t. II, pp. 1825-1829), en 1744, Saint-Preux revient à Clarens, chez Julie mariée avec M. de Wolmar depuis six ans. La promenade en barque sur le lac, en août, les conduit à Meillerie.
L’Élysée, Clarens, août 1744 — Londres, 23 juillet 1997, note : Les bornes.
Avenue des bosquets de Julie, Clarens, août 1744 — Clarens, 22 août 1997), note : L’île.
Le chèvrefeuille, Clarens, août 1744 — Oxford, Nuneham, 23 juillet 1997, note : Le lac.
L’orage sur le lac, Lac Léman, août 1744 — Lac Léman, 24 août 1997, note : Les objets.
Les monuments des anciennes amours, Meillerie, août 1744 — Lac Léman, 24 août 1997, note : Le lac.
1745
Diderot donne à Rousseau sa traduction des Principes de philosophie morale ou Essai sur le mérite et la vertu de Shaftesbury. Vers la fin du mois de mars, Altuna part en Espagne. Rousseau reprend son opéra Les Muses galantes : « Je résolus de ne plus m’attacher à personne, mais de rester dans l’indépendance en tirant parti de mes talens dont enfin je commençois à sentir la mesure et dont j’avois trop modestement pensé jusqu’alors » (Confessions, p. 329). Il va loger à l’hôtel Saint-Quentin, rue des Cordiers. Il se lie avec Thérèse Levasseur, lingère âgée de 24 ans. Il est très pauvre.
En juillet, Les Muses galantes sont achevées. En septembre, l’opéra est joué partiellement chez Monsieur de La Poplinière, en présence de Rameau qui le critique, puis intégralement chez Monsieur de Bonneval devant le duc de Richelieu.
Rousseau voit Condillac qui vient quelquefois diner avec lui : « Il travailloit alors à l’Essai sur l’origine des connoissances humaines, qui est son premier ouvrage » (Confessions, p. 347.) En septembre, Rousseau le présente à Diderot : « Ils étoient faits pour se convenir, ils se convinrent. Diderot engagera le libraire Durand à prendre le manuscrit de l’Abbé. » (Confessions, p. 347.) En octobre, Rousseau retouche la comédie-ballet La Princesse de Navarre ou Les Fêtes de Ramire (O.C., t.II, pp. 1079-1091) de Voltaire et Rameau, qui sera représentée à Versailles le 22 décembre.
Altuna, Paris, mars 1745 — Paris, rue St-Honoré, 28 juin 1999, Confessions, p. 329.
Thérèse Levasseur, Paris, mars 1745 — Paris, 29 juin 1998, Confessions, p. 332.
1746
Rousseau, secrétaire de Mme Dupin, est occupé à extraire d’une centaine d’ouvrages les passages concernant les femmes pour l’étude qu’elle a entreprise sur ce sujet. Il écrit sous sa dictée une première ébauche de ce livre. Il lit et copie pour elle de nombreux récits de voyage et descriptions géographiques. (Confessions, p.342, n. 1.) À l’automne, il séjourne au château de Chenonceaux. Il y compose un poème, L’Allée de Sylvie. (O.C., t. II, pp. 1146-1149.)
À Paris, introduit par Monsieur de Francueil, Rousseau fait la connaissance de Madame d’Épinay, épouse d’un fermier général. En décembre, le premier enfant de Thérèse est déposé au bureau des Enfants-Trouvés « dans la forme ordinaire. L’année suivante, même inconvénient et même expédient au chiffre près qui fut négligé ». (Confessions, p. 344-345). Il loge Rue Neuve des Petits-Champs. Sa situation financière est mauvaise.
1747
Rousseau loge à l’hôtel du Saint-Esprit, rue Plâtrière, près de la maison des Dupin. Isaac Rousseau meurt le 9 mai. Rousseau touche ce qui restait du bien de sa mère. Il obtient de M. de Francueil et de Pierre de la Jéliotte, haute-contre à l’Opéra de Paris, que des répétitions des Muses galantes aient lieu à l’Opéra. En octobre, il fait un nouveau séjour à Chenonceaux, il y compose L’Engagement téméraire, comédie en trois actes. (O.C., t. II, pp. 875-931.)
Le 16 octobre, la direction de l’Encyclopédie est confiée à Diderot et à d’Alembert. Vers la fin de l’année, Rousseau fait le projet d’une feuille périodique Le Persifleur, (O.C., t. I, pp. 1103-1112), que Diderot et lui devaient faire alternativement : « J’en esquissai la prémiére feuille, et cela me fit faire connaissance avec d’Alembert à qui Diderot en avoit parlé » (Confessions, p. 347).
1748
En février, Mme d’Épinay présente Rousseau à sa belle-sœur, Mlle Elisabeth-Sophie-Françoise Lalive de Bellegarde, âgée de 18 ans, peu avant le mariage de celle-ci avec le comte d’Houdetot : « Je la trouvai très aimable, mais j’étois fort éloigné de prévoir que cette jeune personne feroit un jour le destin de ma vie et m’entraîneroit, quoique très innocemment, dans l’abyme où je suis aujourd’hui. » (Confessions, p. 346) ». Rousseau participe aux Fêtes de la Chevrette, château appartenant à Monsieur de Bellegarde, près de Saint-Denis. Le 14 septembre, sur la scène de l’orangerie du château on joue sa comédie L’Engagement téméraire dans laquelle il tient le rôle du valet Carlin aux côtés de M. de Francueil, Mme d’Épinay et Mme d’Houdetot.
Rousseau est très lié avec Diderot : « Il avoit une Nannette ainsi que j’avois une Therese; c’étoit entre nous une conformité de plus. » (Confessions, p. 346).
1749
En janvier, Rousseau travaille à des articles sur la musique pour l’Encyclopédie.
La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient de Diderot est publiée. C’est un exposé de théorie sensualiste anti-religieux. Diderot est arrêté le 24 juillet, mis 20 jours au cachot au Donjon de Vincennes. À partir du 20 août, on le transfère dans la maison du Gouverneur. Jusqu’au 21 octobre, il aura « le château pour prison » et pourra recevoir ses amis, sa famille, ses libraires.
En octobre, Rousseau va lui rendre visite. « Tout en marchant », il lit dans le Mercure de France, l’annonce de la question de l’Académie de Dijon pour le prix de morale de 1750 : « Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs ». Sur-le-champ, « en crayon sous un Chêne », il compose « la prosopopée de Fabricius ». (Confessions, p. 351.) Il la montre ensuite à Diderot qui l’encourage à concourir pour le prix. Rousseau fréquente Grimm.
1750
Entre mars et juillet, Rousseau s’installe : « M. de Francueil et Made Dupin […] portérent de leur propre mouvement mon honoraire annuel jusqu’à cinquante louis, et de plus, Made Dupin apprenant que je cherchois à me mettre dans mes meubles m’aida de quelques secours pour cela; avec les meubles qu’avoit déja Thérese, nous mimes tout en commun, et ayant loué un petit appartement à l’Hôtel de Languedoc rue de Grenelle St. Honoré chez de très bonnes gens, nous nous y arrangeames comme nous pumes, et nous y avons demeuré paisiblement et agréablement pendant sept ans jusqu’à mon délogement pour l’Hermitage. » (Confessions, p. 353.)
En juillet 1750, l’Académie de Dijon couronne le Discours sur les sciences et les arts : « Avant que l’Art eut façonné nos maniéres et appris à nos passions à parler un langage apprêté, nos mœurs étoient rustiques mais naturelles; et la différence des procédés annonçoit au premier coup d’œil celle des caracteres. La nature humaine, au fond, n’était pas meilleure; mais les hommes trouvoient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement. » (O.C., III, p. 8.) Dans la deuxième Lettre à Malesherbes, en 1762, Rousseau le replace dans son œuvre : « Tout ce que j’ai pu retenir de ces foules de grandes vérités, qui dans un quart d’heure m’illuminerent sous cet arbre, a été bien foiblement epars dans les trois principaux de mes ecrits, savoir ce premier discours, celui sur l’inegalité, et le traité de l’education, lesquels trois ouvrages sont inseparables et forment ensemble un meme tout. » (O.C., t. I, p. 1136.)
1751
Diderot se charge de l’impression du Discours sur les sciences et les arts (O.C., t. III, p. 3-30) qui paraît en janvier.
Á cette époque, Rousseau accomplit sa « réforme » : « […] de Caissier d’un Financier je me fis copiste de musique. […] Je commençai ma réforme par ma parure; je quittai la dorure et les bas blancs, je pris une perruque ronde, je posai l’épée, je vendis ma montre, en me disant avec une joye incroyable : Grace au Ciel, je n’aurai plus besoin de savoir l’heure qu’il est. (Confessions, p. 363.)
Dans une lettre à Mme de Francueil, datée du 20 avril, dont la minute est chiffrée, Rousseau explique pourquoi il a mis ses enfants aux Enfants-Trouvés.
1752
Au printemps, Rousseau réside à Passy, chez un Genevois, M. Mussard. Il y entreprend Le Devin du Village (O.C., t. II, p. 1093-1114) : « Le matin en me promenant et en prenant les eaux je fis quelques maniéres de vers très à la hâte, et j’y adaptai des chants qui me vinrent en les faisant. Je barbouillai le tout dans une espèce de salon voûté qui étoit au haut du jardin, et au thé je ne pus m’empêcher de montrer ces airs à Mussard et à Mlle Du Vernois sa gouvernante […]. Les trois morceaux que j’avois esquissés étoient, le prémier Monologue : j’ai perdu mon Serviteur, l’air du Devin : l’amour croit s’il s’inquiette, et le dernier Duo : à jamais, Colin, je t’engage, etc. » (Confessions, p. 374-375.) Il le termine en trois semaines à Paris.
Le 18 octobre, Rousseau assiste à la première représentation du Devin du Village à Fontainebleau, en présence de Louis XV. Le 19, il quitte Fontainebleau sans se rendre à l’audience royale à laquelle il était convoqué. Diderot lui reprochera d’avoir laissé échapper la pension du roi. Le 18 décembre, le Théâtre-Français joue Narcisse ou l’Amant de lui-même qui a été retouché par Marivaux. Rousseau travaille à la Préface de Narcisse. (O.C., t. II, p. 959-974.)
1753
Le 1er mars, Le Devin du Village est joué à l’Opéra. Le 1er août 1752, les Bouffons italiens avaient débuté sur la scène de l’Académie royale de musique en représentant La Serva Padrona de Pergolèse. Participant à la « Querelle des Bouffons », Rousseau prend parti dans la Lettre sur la musique française (O.C., t. V, pp. 291-328) qui paraît le 22 novembre : « Je crois avoir fait voir qu’il n’y a ni mesure ni mélodie dans la Musique Françoise, parce que la langue n’en est pas susceptible; que le chant François n’est qu’un aboyement continuel, insupportable à toute oreille non prévenue; que l’harmonie en est brute, sans expression et sentant uniquement son remplissage d’Ecolier. » (O.C., t. V, p. 328.)
L’Essai sur l’origine des langues traitera l’idée de l’unité originaire de la parole et du chant : « Ce n’est ni la faim ni la soif, mais l’amour la haine la pitié la colére qui ont arraché [aux hommes] les prémiéres voix. […] et voilà pourquoi les prémiéres langues furent chantantes et passionnées avant d’être simples et méthodiques. » (O.C., t. V, pp. 380-381.)
En novembre paraît le sujet de concours de l’Académie de Dijon : « Quelle est l’origine de l’inégalité parmi les hommes, et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » Rousseau va passer huit jours à Saint-Germain pour méditer sur cette question dans la forêt.
1754
Le 1er juin, Rousseau et Thérèse partent pour Genève. Le 12 juin, ils voient Mme de Warens à Chambéry où Rousseau termine la Dédicace de son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
À Genève, ils résident aux Eaux-Vives. Le 1er août, Le Consistoire rétablit Rousseau dans sa qualité de citoyen de Genève. Du 22 au 27 août, il fait le tour du lac Léman : « De tous ces amusemens celui qui me plut davantage fut une promenade autour du Lac que je fis en bateau avec Deluc père, sa bru, ses deux fils, et ma Therese. Nous mimes sept jours à cette tournée par le plus beau tems du monde. J’en gardai le vif souvenir des sites qui m’avoient frappé à l’autre extrémité du lac, et dont je fis la description quelques années après dans La Nouvelle Héloïse. »(Confessions, p. 393.) Pendant son séjour à Genève, il travaille à ses Institutions politiques. Il a le projet d’une Histoire du Valais.
Le 15 octobre, il est de retour à Paris. Il remet à Marc-Michel Rey, libraire à Amsterdam, le manuscrit du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes. (O.C., t. III, pp. 131-194.) « Il y a donc deux termes de référence dans le Discours : l’idée de nature, qui permet d’apprécier un écart historique; et l’idée de droit qui rend manifeste l’ampleur de nos infractions. » Le Discours se clôt sur « la négativité, le refus du monde contemporain : le refus que la conscience révoltée oppose à une société qui a trahi tout ensemble la loi naturelle et l’idéal civil. » (Jean Starobinski, Introductions (O. C., t. III, pp. LXVI et LXX.)
1755
Depuis janvier, Rousseau corrige les épreuves du Discours sur l’inégalité et travaille à son Dictionnaire de musique. Le Discours est publié en juin. Voltaire écrit à Rousseau : « J’ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain […] Il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage. ». Rousseau remet un exemplaire du Discours au Conseil de Genève.
En été, Rousseau séjourne au château de la Chevrette, chez Mme d’Épinay. Elle lui offre de s’installer dans une petite maison de son parc, l’Ermitage, qu’elle fait aménager pour lui. Dans le même temps, il envisage de s’installer à Genève.
Rousseau rédige Le Principe de la mélodie ou réponse aux erreurs sur la Musique, première version d’Examen de deux principes avancés par M. Rameau dans sa brochure intitulée « Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie ». (O.C., t. V, pp. 347-370). Le thème de L’Origine de la mélodie (O.C., t. V, pp. 331-343) partie centrale du manuscrit, passera dans l’Essai sur l’origine des langues. Le volume V de l’Encyclopédie paraît en septembre. L’article « Économie politique » est de Rousseau. En novembre, la comédie de Palissot, Le Cercle ou les Originaux, jouée à Nancy, le ridiculise.
Madame d’Épinay, Montmorency, septembre 1755 — Montmorency, 20 juin 1998, Confessions p. 396.
1756
Rousseau vend une partie de sa bibliothèque. Le 9 avril, il quitte Paris avec Thérèse et la mère de celle-ci, pour s’installer à l’Ermitage à Montmorency : « Après quelques jours livrés à mon délire champêtre je songeai à ranger mes paperasses et à régler mes occupations. […] J’avois plusieurs Ecrits commencés; j’en fis la revue. » (Confessions, p. 404.) Ce sont des projets imbriqués les uns dans les autres : Les Institutions politiques, La Morale sensitive ou Le Matérialisme du sage, un projet de« système d’éducation » demandé par Mme de Chenonceaux, préfigurant l’Émile et le Contrat social.
Les « curieux desoeuvrés » qui viennent de Paris pour le voir l’importunent. Les souvenirs des Charmettes et de Thônes se conjuguent : « Je faisois ces méditations dans la plus belle saison de l’année, au mois de juin, sous des boccages frais, au chant du rossignol, au gazouillement des ruisseaux. Tout concourut à me replonger dans cette molesse trop séduisante pour laquelle j’étais né. » (Confessions p. 426.) Au cours de l’été et de l’automne, il imagine les personnages de La Nouvelle Héloïse : « Après beaucoup d’efforts inutiles pour écarter de moi toutes ces fictions, je fus enfin tout à fait séduit par elles, et je ne m’occupai plus qu’à tâcher d’y mettre quelque ordre et quelque suite pour en faire une espéce de Roman. » (Confessions, p. 434.)
En août, La Lettre à Voltaire sur la Providence répond aux poèmes Sur la loi naturelle et Sur le désastre de Lisbonne.
L’Ermitage, Montmorency, 9 avril 1756 — Montmorency, 9 avril 1998, Confessions p. 403.
Quai J.-J. Rousseau, L’Ermitage, été 1756 — Clarens, 22 août 1997, Confessions p. 431.
1757
En janvier, Madame d’Houdetot, fait une première visite à l’Ermitage : « Cette visite eut un peu l’air d’un début de roman ». (Confessions, p. 432.) En mai, Rousseau dîne chez Mme d’Houdetot à Eaubonne. La fiction romanesque supplée à la réalité : « Le retour du Printemps avait redoublé mon tendre délire, et dans mes érotiques transports j’avois composé pour les dernières Parties de la Julie plusieurs lettres qui se sentent du ravissement dans lequel je les écrivis. […] Précisément dans le même temps, j’eus de Made d’Houdetot une seconde visite imprévue. […]» Et pour cette fois ce fut de l’amour. […] Je vis ma Julie en Made d’Houdetot, et bientot je ne vis plus que Made d’Houdetot, mais revétue de toutes les perfections dont je venois d’orner l’idole de mon cœur. » (Confessions p. 438-440.)
En octobre, Rousseau refuse d’accompagner Madame d’Épinay à Genève chez le docteur Tronchin. Il se brouille avec elle, Diderot et Grimm. Le 15 décembre, il déménage avec Thérèse au Montlouis à Montmorency. La mère de Thérèse retourne à Paris. Les articles « Genève » de d’Alembert et « Génie » de Rousseau paraissent dans le tome VII de l’Encyclopédie.
Sophie d’Houdetot, Eaubonne, juin 1757 — Région de Montmorency, 28 juin 1998, Confessions, p. 444.
1758
Rousseau fait parvenir partie par partie, une copie manuscrite de la Julie (La Nouvelle Héloïse) à Mme d’Houdetot. En mai, celle-ci se plaint des indiscrétions de Rousseau à son sujet et décide de « rompre tout commerce » avec lui, mais veut bien continuer à recevoir les copies du manuscrit.
En octobre, Rousseau réagit à l’article « Genève » de d’Alembert paru dans l’Encyclopédie en publiant la Lettre à d’Alembert sur les spectacles (O.C., t. V, pp. 3-125) : « Mais n’adoptons point ces Spectacles exclusifs qui renferment tristement un petit nombre de gens dans un antre obscur; qui les tiennent craintifs et immobiles dans le silence et l’inaction. […] Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête. Faites mieux encore : donnez les Spectateurs en Spectacle; rendez-les acteurs eux-mêmes; faites que chacun se voye et s’aime dans les autres, afin que tous en soient mieux unis. » (O.C., t. V, p. 114-115.) Il quitte l’Encyclopédie, ainsi que Marmontel et Duclos.
Le dimanche 29 octobre, Rousseau, invité par M. d’ Épinay, dîne à la Chevrette avec M. et Mme Dupin, M. Francueil, M. et Mme d’Houdetot, Saint-Lambert.
1759
En mars, Rousseau accepte de donner La Nouvelle Héloïse à l’imprimeur Rey à Amsterdam. Il la recopiera entièrement et lui enverra partie par partie.
Le 6 mai, le maréchal de Luxembourg installe Rousseau dans le Petit-Château du parc du Château de Montmorency pendant le temps de la réparation de la maison du Montlouis. Il y écrit le cinquième Livre de l’Émile et achève ainsi la première rédaction de l’ouvrage. En juillet, chaque matin, il fait la lecture de La Nouvelle Héloïse à la maréchale de Luxembourg en présence de son mari. En août, il réintègre le Montlouis, mais revient librement au Petit Château.
Il travaille au Contrat social. (O.C., t. III, pp. 281-345.) Il a à l’esprit, non seulement les cités grecques, qu’il connaissait à travers les historiens de l’Antiquité, notamment Plutarque et Platon, mais surtout sa ville natale qu’il idéalise. (Introductions, O.C., t. III, p. XVI) : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant. » (Du Contrat social, O.C., t. III, p. 360.)
La réfraction, Montmorency, 1759 — Rolle, 12 août 1997, note : Le bord de l’eau.
1760
En janvier, la dernière partie de La Nouvelle Héloïse (O.C., t. II, pp. 5-794.) parvient à Rey. En février, Malesherbes accepte de réceptionner les épreuves. En avril, l’impression du livre commence. En octobre, Rey tire La Nouvelle Héloïse en 4 000 exemplaires, dont 2 000 pour la France, vendus à Étienne-Vincent Robin.
Rousseau achèverait la deuxième rédaction de l’Émile (O.C., t. IV, pp. 241-912) en octobre. « L’Émile, en particulier, ce livre tant lû, si peu entendu et si mal apprécié n’est qu’un traité de la bonté originelle de l’homme, destiné à montrer comment le vice et l’erreur, étrangers à sa constitution, s’y introduisent du dehors et l’altèrent insensiblement. » (Troisième Dialogue, O.C., t. I, p. 934.)
1761
En janvier, Malesherbes avertit Rousseau que l’édition de La Nouvelle Héloïse du libraire Robin, qui retient les exemplaires de Rey, sera vendue en premier. Rousseau a l’intention de désavouer cette édition, pleine d’erreurs, mais ne le fait pas. Le livre remporte un très grand succès.
En octobre, Malesherbes a reçu l’Essai sur l’origine des langues, (O.C., t. V, pp. 373-429.) Il conseille à Rousseau de le publier rapidement. Rousseau croit à un complot contre l’Émile. En août, le manuscrit du Contrat social est mis au net. En novembre, on commence à imprimer l’Émile.
Avenue Émile, Montmorency, 1761 — Montmorency, 9 juin 1998, note : Les signes.
Contrat Social, Montmorency, 1761 — Genève, 14 mars 1998, note : La loi.
Le bosquet, Montmorency, 1761 — Londres, 23 juillet 1997, Confessions, p. 547.
TGV Jean-Jacques Rousseau, Montmorency, 1761 — Paris, mars 2000, note : Le supplément.
1762
Rousseau écrit les Quatre Lettres à M. le Président de Malesherbes, contenant le vrai tableau de mon caractère et les vrais motifs de ma conduite, datées du 4, 12, 26 et 28 janvier. (O.C., t. I, pp. 1130-1147.) En avril paraît le Contrat Social, en mai L’Émile. Le 7 juin, L’Émile est dénoncé à la Sorbonne. Le 9, le Parlement le condamne et décrète Rousseau de prise de corps. Celui-ci constatera : « Tout ce qu’il y a de hardi dans le Contrat social étoit auparavant dans le Discours sur l’inégalité; tout ce qu’il y a de hardi dans l’Émile étoit auparavant dans la Julie. Or ces choses hardies n’excitérent aucune rumeur contre les deux premiers ouvrages; donc ce ne furent pas elles qui l’excitérent contre les derniers. » (Confessions, p. 407.)
Dans l’après-midi du 9 juin, Rousseau s’enfuit à Yverdon, en territoire bernois, chez son ami Roguin. Le Petit Conseil de Genève condamne au feu l’Émile et le Contrat social, et décrète Rousseau de prise de corps. Le 10 juillet, Rousseau s’installe dans une maison de Mme Boy de la Tour à Môtiers, dans le Val-de-Travers, principauté prussienne de Neuchâtel. Il est sous la protection du gouverneur, Mylord Maréchal. À Môtiers, Rousseau se met à porter un habit d’Arménien, semble délaisser l’écriture pour la dentelle. Le 13 septembre, Anne-Marie d’Ivernois, fille du procureur général de Neuchâtel reçoit le premier lacet tressé par Rousseau. Son oncle Jean-Antoine d’Ivernois, initie Rousseau à la botanique.
Porte du parc, Montmorency, 9 juin 1762 — Montmorency, 9 juin 1998, Confessions, p. 584.
Le lacet, Môtiers, septembre 1762 — Grenoble, 18 septembre 1999, Confessions, p. 601.
Pierre à Rousseau, Môtiers, 1762 — Môtiers, 12 août 1997, Confessions, p. 603.
1763
La Lettre à Christophe de Beaumont (O.C., t. IV, pp. 925-1007) de Rousseau répondant au Mandement de l’archevêque de Paris qui condamnait l’Émile paraît en mars. Les 20 et 28 janvier, Rousseau rédige les Deux Lettres à M. le maréchal duc de Luxembourg contenant une description du Val-de-Travers.
Le 12 mai, Rousseau envoie sa lettre d’abdication au droit de bourgeoisie et de cité dans la ville et république de Genève, que le Petit Conseil entérine. C’est un affront pour lui. Le 30 septembre il reçoit les Lettres écrites de la campagne par le procureur genevois Tronchin, chef des« Négatifs », attaquant l’impiété de l’Émile et les thèses politiques du Contrat Social. Il travaille à son Dictionnaire de la musique. Dans cette période, des représentations seront faites par des Citoyens et des Bourgeois genevois contre l’illégalité de la condamnation de ses ouvrages.
La cascade, Môtiers, 28 janvier 1763 — Môtiers, 12 août 1997, note : La chute d’eau.
1764
Á Môtiers, dans une lettre du 13 mai, Rousseau engage Rey à entreprendre une édition générale de ses œuvres.
En juillet, il fait une excursion botanique avec ses amis Du Peyrou, Pury, d’Escherny et le justicier Clerc, au Chasseron, dans le Jura neuchâtelois. Rousseau herborise régulièrement. Du Peyrou, bourgeois de Neuchâtel, lui conseille la lecture de Linné.
En août Rousseau rencontre les chefs des Représentants genevois à Thonon. Le 31, un projet de constitution pour la Corse lui est demandé par Mathieu Buttafuoco, colonel commandant le régiment Royal-Corse.
Dans une lettre du 14 novembre, son ami Charles Pinot de Duclos, académicien, engage Rousseau à écrire l’histoire de sa vie. Rousseau commence à rédiger le début de la première version des Confessions. En décembre, paraissent les Lettres écrites de la montagne (O.C., t. III, pp. 685-897), en réponse aux Lettres écrites de la campagne de Tronchin. Elles sont aussitôt condamnées à La Haye, Berne, Genève, Neuchâtel et Paris. Un libelle anonyme Le Sentiment des citoyens, publié à Genève, révèle l’abandon de ses enfants. Rousseau ignore que le texte est de Voltaire. Le Dictionnaire de musique est achevé.
1765
Dans la nuit du 6 septembre, on jette des pierres contre sa maison. Le 7, il part pour Neuchâtel. Le 12, Rousseau se réfugie sur l’Île de Saint-Pierre sur le Lac de Bienne. Il entreprend une Flora Petrinsularis. Il travaille au Projet de constitution pour la Corse. (O.C., t. III, pp. 902-940.) Le 16 octobre, il est expulsé par les autorités de Berne. Le 22, une lettre de Hume lui offre asile en Angleterre. Il confie à Du Peyrou le manuscrit de ses futures Confessions jusqu’à 1742. Le 25, il quitte l’île. Le 2 novembre, il arrive à Strasbourg. Le 9 décembre, il part pour Paris. Le 20, il s’installe au Temple, chez le prince de Conti.
La manufacture, Val-de-Travers, 1765 — Val-de-Travers, 8 juillet 1999, Rêveries, p. 1071.
La lapidation, Môtiers, septembre 1765 — Môtiers, 17 août 1997, Confessions, p. 627.
Chambre de Rousseau, Île de Saint-Pierre, septembre 1765 — Île de Saint-Pierre, 29 septembre 1997, Confessions, p. 640.
La loupe, Île de Saint-Pierre, septembre 1765 — Île de Saint-Pierre, 29 septembre 1997, Rêveries, p. 1043.
La barque, Île de Saint-Pierre, septembre 1765 — Île de Saint-Pierre, 29 septembre 1997, Rêveries, p. 1043.
L’embarquement des lapins, Île de Saint-Pierre, octobre 1765 — Île de Saint-Pierre, 29 septembre 1997, Rêveries, p. 1044.
Les pommes, Île de Saint-Pierre, octobre 1765 — Environs de Montmorency, 13 octobre 1997, Confessions, p. 644.
1766
Le 4 janvier, Rousseau, Hume et De Luze quittent Paris pour l’Angleterre. Hume et Rousseau passe une quinzaine de jours à Londres. Rousseau reçoit beaucoup de visites. Le 28, il s’installe à Chiswick, près de Londres. Il y corrige les épreuves de son Dictionnaire de musique. Thérèse arrive le 13 février. En mars, Rousseau se rend chez le peintre Allan Ramsay qui fait son portrait. Il y rencontre Richard Davenport.
Le 18 mars, Thérèse et Rousseau quittent Chiswick dans la voiture de Davenport et passent la nuit à Londres, chez Hume. Le 19, ils partent pour Wootton, dans le Staffordshire pour s’installer à Wootton Hall, propriété de Davenport. Rousseau soupçonne Hume de le trahir. Le 23 juin, il lui écrit : « Je me jette dans vos bras, vous m’amenez en Angleterre, en apparence pour m’y procurer un asile, et en effet pour m’y déshonorer ». Rousseau juge humiliantes les conditions d’attribution de la pension royale. Le 20, D’Alembert, Marmontel et Duclos engagent Hume à publier l’historique de la querelle. En octobre, à Ferney, Voltaire publie une Lettre de Monsieur de Voltaire à Monsieur Hume qui accable Rousseau. À Paris, circule l’Exposé succinct de la contestation qui s’est élevée entre M. Hume et M. R. de Hume.
En juillet, Rousseau fait la connaissance de Margaret Cavendish, duchesse de Portland, avec qui il herborise et échange des plantes. Il reprend la rédaction des premiers livres des Confessions.
1767
En mars, par l’intermédiaire de Davenport, Rousseau cède ses six malles de livres restées à Londres au libraire Louis Dutens contre une rente viagère. Le roi George III lui accorde une pension annuelle de cent livres sterling. Rousseau correspond avec Du Peyrou en langage chiffré et lui fait transmettre le manuscrit des premiers livres des Confessions.
Le 1er mai, il quitte brusquement Wootton avec Thérèse. Ils s’arrêtent à Spalding, Lincolnshire. Le 21 mai, ils embarquent à Douvres. Le 22 mai, ils arrivent à Calais. Ils séjournent à Amiens. Le 4 juin, Rousseau est à Saint-Denis, sous le nom de monsieur Jacques. Il va le lendemain à Fleury-sous-Meudon, chez le marquis de Mirabeau. Le 21 juin, ils s’installe à Trye-le-Château, chez le prince de Conti. Toujours décrété de prise de corps, Rousseau se fait appeler Jean-Joseph Renou, Thérèse passe pour sa sœur. Le livre VI des Confessions est achevé fin août. En novembre, il reçoit la visite de Du Peyrou, qui lui rend le manuscrit des Confessions et tombe malade. Rousseau pense que Du Peyrou le soupçonne de l’avoir empoisonné et rédige un Mémoire sur la maladie de Du Peyrou.
Fin novembre, le Dictionnaire de Musique (O.C., t. V, pp. 605-1191) est mis en vente à Paris. C’est d’abord une série d’articles de l’Encyclopédie, dans un contexte de discussions esthétiques, dont la principale est la querelle avec Jean-Philippe Rameau. Les divers modes d’écriture musicale, les formes sonores (en majeure partie vocales) y sont présentées. (Introduction, O.C., t. V, p. XX.)
La digitale pourpre, Wootton, 1767 — Wootton, 22 juillet 1997, Rêveries, p. 1076.
1768
Au printemps, Rousseau confie divers manuscrits dont un cahier des Confessions à la garde de Mme de Nadaillac, abbesse de Gomer-Fontaine. Le 12 juin, il part pour Paris, loge chez le prince de Conti au Temple. Le 14 juin, il part pour Lyon. Il y rencontre les Boy de La Tour. Il fait une excursion botanique autour de Lyon. Le 11 juillet il part pour Grenoble. Il y est reçu par la famille Bovier avec laquelle il fait des excursions autour de Grenoble. Il revoit Monsieur de Conzié à Chambéry. Le 10 aôut, il reçoit le texte d’une thèse soutenue par un professeur et ses étudiants réfutant les philosophes dont Rousseau.
Le 12 août, il quitte Grenoble pour Bourgoin. Il attend des nouvelles des Boy de La Tour car il pense s’installer à Lyon. Á Bourgoin, sur la porte de sa chambre d’auberge, il écrit au crayon un court texte, les Sentimens du public sur mon compte, dans les divers états qui le composent. (O.C., t. I, pp. 1183-1184.) Le 26 août, Thérèse le rejoint. Le 30 août, il l’épouse « en présence de M. de Champagneux, maire de Bourgoin, et de M. de Rosière, officier d’artillerie ». En octobre, il envisage de retourner à Wootton, puis y renonce.
1769
Fin janvier, Rousseau s’installe à Monquin, dans une ferme appartenant au marquis François-Joseph de Césarques. Le 13 août, Rousseau part en excursion botanique d’une semaine au mont Pilat en compagnie de Baurin, de Meynier et de Donin de Champagneux. Le voyage est « désastreux ». Il envoie des plantes du Mont Pilat à la Duchesse de Portland. En novembre, il déclare renoncer à la botanique et veut vendre son herbier. Il propose sa bibliothèque à Du Peyrou. Il commence la deuxième partie des Confessions.
Ferme de Monquin, Monquin, 1769 — Monquin, 12 juillet 1999, note : L’écriture.
1770
Le 22 janvier, à Monquin, Rousseau renonce au pseudonyme de Renou et signe de nouveau J.-J. Rousseau. Il met en tête de ses lettres un quatrain contre « les imposteurs ». Il adopte la devise de la Genève réformée : Post tenebras lux. Fin février, la rédaction des Confessions jusqu’au livre XI est achevée. Le livre XII serait terminé en avril.
Le 10 avril il quitte Monquin et va à Lyon. Il communique son poème Pygmalion (O.C., t. II, pp. 1224-1231) à Coignet et lui demande d’en composer la musique. Le 19 avril, le prévôt des marchands lyonnais fait représenter Le Devin du Village et Pygmalion en présence de Rousseau. Le 8 juin, Rousseau quitte Lyon, en direction de Dijon où il reste quelques jours. Le 17 juin, à Montbard,il est reçu par Buffon et Pierre Daubenton.
Le 24 juin, il est de retour à Paris. Il s’installe rue Plâtrière. Il est « accablé de visites et de dîners ». Il reprend son métier de copiste. Il herborise avec Jussieu.
En décembre, il a pratiquement achevé la rédaction des Confessions. Entre le 7 novembre et la fin décembre, il en fait des lectures confidentielles chez le marquis de Pezay et chez le poète Dorat.
1771
En février se tient une troisième séance de lecture des Confessions, chez le prince royal de Suède. Du 4 au 8 mai, Rousseau lit la deuxième partie des Confessions chez la comtesse d’Egmont.
Rousseau ajoutera aux Confessions ce qu’il prononce ce jour-là : « « J’ai dit la vérité. […] Quiconque, même sans avoir lu mes écrits, examinera par ses propres yeux mon naturel, mon caractére, mes mœurs, mes penchans, mes plaisirs, mes habitudes et pourra me croire un malhonnête homme, est lui-même un homme à étouffer. »
« J’achevai ainsi ma lecture et tout le monde se tut. Made d’Egmont fut la seule qui me parut émue; elle tressaillit visiblement; mais elle se remit bien vîte, et garda le silence ainsi que toute la compagnie. Tel fut le fruit que je tirai de cette lecture et de ma déclaration. » (Confessions, p. 656.)
Le 10 mai, Mme d’Épinay prie Sartine, directeur de la Librairie, d’interdire à Rousseau les lectures publiques des Confessions.
1772-1775
De 1772 à 1776, Rousseau travaille à l’écriture de Rousseau juge de Jean Jaques. Dialogues. (O.C., t. I, pp. 658-992.) Dans l’espace des trois dialogues, trois personnages évaluent l’œuvre de Rousseau : « La discussion met en jeu un Français anonyme représentatif de ceux qui ont volé à Rousseau son nom; en face de lui, un certain Rousseau, qui, sans détermination concrète autre que son honnêteté, porte le nom que le public a ravi au Rousseau réel, et il connaît précisément ce qui est de Rousseau : ses œuvres. Enfin, une tierce mais constante présence, celui qu’on ne désigne plus que par le Jean-Jacques d’une familiarité hautaine, comme s’il n’avait plus droit au nom propre qui l’individualise, mais seulement à la singularité de son prénom. Mais […] il y a un Jean-Jacques-pour-Rousseau, qui est ‘l’auteur des livres’ et un autre pour le Français, qui est ‘l’auteur des crimes’. » (Michel Foucault, Introduction, Rousseau juge de Jean Jaques, Armand Colin, p. XII.)
Le Troisième Dialogue s’achève sur un nouveau silence. Le Français est revenu de ses erreurs mais conclut à propos du Rousseau réel, en s’adressant au Rousseau des Dialogues : « Je ne refuse donc pas de le voir quelquefois avec prudence et précaution : il ne tiendra qu’à moi de connoitre que je partage vos sentimens à son égard, et si je ne puis lui reveler les mistéres de ses ennemis, il verra du moins que forcé de me taire je ne cherche pas à le tromper. » (O.C., t. I, p. 975.)
Parallèlement, Rousseau confectionne des herbiers puis abandonne cette activité. En 1772, 1773 et 1774, il rédige pour Mme Delessert les Lettres sur la botanique qui seront publiées en 1785. Il poursuit son activité de copie de musique.
1776
Le 24 février, il veut déposer le manuscrit des Dialogues sur l’autel de Notre-Dame, mais la grille du chœur est fermée. Le 6 avril, il confie à Boothby une copie du Premier Dialogue, puis il rédige un billet circulaire « A tout François aimant encore la justice et la vérité » (O.C., t. I, pp. 990-992), qu’il distribue dans la rue. Il commence Les Rêveries à l’automne.
Autel de la Rêverie, Paris, 1776 — Ermenonville, 2 juillet 1999, note : Le promenade.
Oriflamme Rousseau, Paris, 1776 — Chambéry, 4 juillet 1998, note : La mort.
La Picris hieracioides, Paris, 24 octobre 1776 — Région parisienne, 19 octobre 1997, Rêveries, p. 1003.
La vigne, Paris, 24 octobre 1776 — Paris, 27 octobre 1997, Rêveries p. 1004.
Le chien danois, Paris, 24 octobre 1776 — Paris, 29 juin 1998, Rêveries p. 1004.
Les jeunes gens, Paris, 24 octobre 1776 — Paris, 10 mai 1998, Rêveries p. 1005.
La nuit, Paris,24 octobre 1776 — Paris, carrefour Oberkampf/Saint-Maur, 24 octobre 1997, Rêveries, p. 1005.
Centre de secours Rousseau, Paris, 24 octobre 1776 — Paris, 20 février 2000 ] Rêveries, p. 1006.1712-1716.