Clarens

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En approchant du bosquet, j’apperçus, non sans une émotion secrette, vos signes d’intelligence, vos sourires mutuels, et le coloris de tes joues prendre un nouvel éclat. En y entrant, je vis avec surprise ta cousine s’approcher de moi, et, d’un air plaisamment suppliant, me demander un baiser. Sans rien  à ce mistere j’embrassai cette charmante amie, et toute aimable, toute piquante qu’elle est, je ne connus jamais mieux, que les sensations ne sont rien que ce que le cœur les fait être. Mais que devins-je un moment après, quand je sentis….. la main me tremble…… un doux frémissement…… ta bouche de roses…….. la bouche de Julie….. se poser, se presser sur la mienne, et mon corps serré dans tes bras ? Non, le feu du ciel n’est pas plus vif ni plus prompt que celui qui vint à l’instant m’embraser. Toutes les parties de moi même se rassemblerent sous ce toucher délicieux. Le feu s’exhaloit avec nos soupirs de nos levres brulantes, et mon cœur se mouroit sous le poids de la volupté…. quand tout à coup je te vis pâlir, fermer tes beaux yeux, t’apuyer sur ta cousine, et tomber en défaillance. Ainsi la frayeur éteignit le plaisir, et mon bonheur ne fut qu’un éclair.

Clarens, été 1734 — Genève, 12 avril 1998. La Nouvelle Héloïse, Première partie, Lettre XIV, À Julie

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Ce lieu, quoique tout proche de la maison est tellement caché par l’allée couverte qui l’en sépare qu’on ne l’apperçoit de nulle part. L’épais feuillage qui l’environne ne permet point à l’œil d’y pénétrer, et il est toujours soigneusement fermé à clé. A peine fus-je au dedans que la porte étant masquée par des aulnes et des coudriers qui ne laissent que deux étroits passages sur les côtés, je ne vis plus en me retournant par où j’étois entré, et n’appercevant point de porte, je me trouvai là comme tombé des nues.

Clarens, août 1744 — Londres, 23 juillet 1997. La Nouvelle Héloïse, Quatrième partie, Lettre XI

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Ce matin en déjeunant il nous a proposé un tour de promenade avant la chaleur ; puis sous prétexte de ne pas courir, disoit-il, la campagne en robe de chambre, il nous a menés dans les bosquets, et précisément, ma chere, dans ce même bosquet où commencerent tous les malheurs de ma vie. En approchant de ce lieu fatal, je me suis sentie un affreux batement de cœur et j’aurois refusé d’entrer si la honte ne m’eut retenue, et si le souvenir d’un mot qui fut dit l’autre jour dans l’Elisée ne m’eut fait craindre les interprétations. Je ne sais si le philosophe étoit plus tranquille; mais quelque tems après ayant par hazard tourné les yeux sur lui, je l’ai trouvé pâle, changé, et je ne puis te dire quelle peine tout cela m’a fait.

Clarens, août 1744 — Clarens, 22 août 199. La Nouvelle Héloïse, Quatrième partie, Lettre XII

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Nous nous mimes tous aux rames, et presque au même instant j’eus la douleur de voir Julie saisie du mal de cœur, foible et défaillante au bord du bateau. Heureusement elle étoit faite à l’eau et cet état ne dura pas. Cependant nos efforts croissoient avec le danger ; le soleil, la fatigue et la sueur nous mirent tous hors d’haleine et dans un épuisement excessif. C’est alors que retrouvant tout son courage Julie animoit le notre par ses caresses compatissantes ; elle nous essuyoit indistinctement à tous le visage, et mêlant dans un vase du vin avec de l’eau de peur d’ivresse, elle en offroit alternativement aux plus épuisés. Non, jamais votre adorable amie ne brilla d’un si vif éclat que dans ce moment où la chaleur et l’agitation avoient animé son teint d’un plus grand feu, et ce qui ajoutoit le plus à ces charmes étoit qu’on voyoit si bien à son air attendri que tous ses soins venoient moins de frayeur pour elle que de compassion pour nous.

Lac Léman, août 1744 — Lac Léman, 24 août 1997. La Nouvelle Héloïse, Quatrième partie, Lettre XVII

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Il me falloit cependant un lac, et je finis par choisir celui autour duquel mon cœur n’a jamais cessé d’errer. Je me fixai sur la partie des bords de ce lac à laquelle depuis longtems mes vœux ont placé ma residence dans le bonheur imaginaire auquel le sort m’a borné. Le lieu natal de ma pauvre maman avoit encore pour moi un attrait de prédilexion. Le contraste des positions, la richesse et la variété des sites, la magnificence, la majesté de l’ensemble qui ravit les sens, émeut le cœur, élève l’ame, achevérent de me déterminer, et j’établis à Vevai mes jeunes pupilles. Voila tout ce que j’imaginai du prémier bond ; le reste n’y fut ajoûté que dans la suite.

L’Ermitage, été 1756 — Clarens, quai J.-J. Rousseau, 22 août 1997. Les Confessions, Livre neuvième

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